La Flibuste
C’est près d’un siècle après la découverte proprement dite de l’Amérique que la piraterie s’installa vraiment dans les Caraïbes. Un courant de pillage organisé des possessions espagnoles, qui avait l’aval des nations qui tentaient alors de s’implanter dans la région. Ce fut la flibuste, une piraterie quasi légale, en tout cas aux yeux des gouvernements qui la cautionnaient.

Les flibustiers devinrent ainsi les fers de lance de la France, de l’Angleterre et des Pays-Bas, qui réfutaient aux Espagnols leur monopole commercial. De guerres en conflits, les nations utilisaient la force de frappe des pirates pour tenter de s’imposer à leur tour sur ces nouvelles terres. Au gré des alliances et des traités, les flibustiers changeaient de camp, utilisant au mieux les diverses commissions gouvernementales leur autorisant le pillage qu’ils possédaient.

Les flibustiers, contrairement aux corsaires, étaient généralement des hommes libres. Le capitaine possédait son bateau, ou en tout cas une partie de celui-ci dans le cas (fréquent) où il devait trouver des partenaires financiers pour partir en expédition. Revendant leur butin – le plus souvent des marchandises plutôt que de l’or – aux colonies qui désespéraient des prix pratiqués par l’Espagne, les flibustiers étaient avant tout des contrebandiers et des commerçants. À ce titre, ils favorisèrent le développement local et l’on peut même les tenir pour les précurseurs du capitalisme.

L’implantation durable des flibustiers dans certaines îles – la Jamaïque, la Tortue, Providence – leur offrit des bases arrières pour partir à l’assaut tant des navires que des villes espagnoles naissantes. Ce fut l’époque des Drake, Morgan, Olonnais, De Graaf et autres Grammont. En arrière plan se profilait aussi une véritable guerre de religion, qui voyait les huguenots et les protestants anglais ou hollandais s’en prendre à tout ce qui était papiste.

La flibuste ce sont donc les Gueux de mer hollandais et les seadogs anglais, mais aussi les boucaniers, trop souvent considérés comme de gentils hommes des bois à peine anecdotiques dans la grande histoire de la piraterie. Pourtant, révoltés de la première heure, totalement insoumis, œuvrant aussi bien sur terre que sur mer, ils furent des flibustiers à part entière, organisés en communautés indépendantes et autogérées. S’il est possible d’affirmer que dans certains cas les pirates furent les précurseurs de l’anarchie, c’est sans aucun doute aux boucaniers que l’on doit faire référence!